Sans attendre le générique

Assise dans l’anonymat de la foule, je les regardais s’enlacer au vu et su de l’assemblée.
Lui, grand et beau comme à son habitude ;
Elle, blonde et bien née, à ce que croyais deviner.

La main tendue devant son joli visage, elle admirait avec un immense sourire comblé la bague de fiançailles qu’elle venait à l’instant d’accepter.

Tandis que la famille et les amis se pressaient autour du couple pour les féliciter, j’attendais.

Je l’attendais, lui, parce qu’il me l’avait demandé. Une demande, presque un ordre, qu’il m’avait furtivement glissée à l’oreille, appuyée par une pression entendue sur l’avant-bras.

« Attend moi, je te retrouve après… »

Je ne savais pas combien de temps j’allais devoir attendre, mais je savais pourquoi je l’attendais.
Il voulait sûrement m’assurer, d’un ton passionné, que malgré ses fiançailles, rien ne changeait entre lui et moi.
Il voulait négocier la continuité de mon statut clandestin.

Soudain, une calme lucidité m’envahit et, comme émergeant d’un rêve ayant trop duré, je me levais.

Il y a de la beauté dans une femme qui se lève et qui s’en va, sans un regard en arrière.

La beauté d’une sérénité née de la prise de conscience soudaine qu’elle n’a rien à faire là, dans ce cinéma grotesque, devant ce film qui tient du mauvais navet.

Sans attendre le générique, ni prendre congé des acteurs, je quittais cette salle dont les contours devenaient déjà flous, comme un souvenir qui s’efface.

Et je sortais dans la nuit, habitée d’une vie qui venait de se recentrer avec force.

Texte par : Emmanuelle Vernay