Cet espoir qui nous appelle ailleurs

Recueils de textes d’auteur.e.s qui nous aident à
mieux vivre nos phases de transition de vie.

« Cet espoir qui nous appelle ailleurs » a vocation à parler d’aventure. De l’aventure d’une vie remplie de zig et de zags, où les changements de cap sont inconfortables.

À travers des extraits de textes d’auteurs et d’autrices, ponctués par quelques réflexions personnelles, nous allons explorer d’autres récits, d’autres visions, pour doucement se décentrer. L’objectif est de se permettre, petit à petit, d’accéder à une autre perception de ces phases si complexes que l’on appelle transitions de vie.

Bon voyage et bonne lecture !

J’ai fait le choix de me concentrer sur une seule phase du changement de vie : la première, qui est de loin la plus difficile émotionnellement.

Lorsque nous prenons conscience que nous ne sommes plus bien dans notre vie, et qu’il devient nécessaire pour nous de bifurquer, nous entrons dans une phase de transition. La transition est ce moment où nous ne sommes plus tout à fait dans notre vie d’avant, mais loin encore d’être dans notre vie d’après. Nous flottons dans un entre-deux où le passé n’est plus vivable et le futur encore inexistant. Si la transition n’est pas le changement, elle en est pourtant le précurseur nécessaire.

Parfois la rupture est fracassante. Il y a un avant et un après. Un jour, nous savons que nous allons devoir bifurquer de chemin, changer quelque chose dans notre vie. La prise de conscience est brutale, un peu comme dans les films. Parfois aussi, la faille s’installe en nous de manière plus insidieuse. Comme un crabe dans la marmite, on ne se sent pas s’éteindre à petit feu. Mais à un moment, un seuil invisible est franchi, et nous comprenons qu’il n’y a plus de retour en arrière possible.
Il nous faut changer.

Avant que la faille soit visible par nous-même, elle s’est creusée en souterrain. Beaucoup de choses ont été accumulées. Des choses que nous avons ignoré, dénié. Inconsciemment nous avons multiplié les ruses pour ne pas voir le fait qu’il nous était impossible de vivre dans ce monde auquel on ne croit pas.

Alors, un jour, le corps se ligue à notre esprit, et exprime ce que la conscience à du mal à formuler : nous allons mal.

Dépression, burn-out, épuisement, pensées embrumées, sentiment de perte d’identité, sensation d’impuissance… Nous portons quelque chose d’aussi vide que lourd, au niveau du cœur. Comment est-il possible d’être à la fois vide et lourd ? Nous ne connaissons rien qui ressemble à ça, et c’est bien le problème : nous ne comprenons pas le mal-être que nous portons en nous, et dont le poids semble être la cause de notre inertie.

On aimerait que ce soit simple. Comme dans les livres, comme dans les films, comme dans les blogs qu’on lit. Il parait qu’il suffit de pas grand chose, pour accéder au bonheur que procure une vie authentique.

Alors pourquoi perdons-nous autant pieds ? Pourquoi souffrons-nous autant ? Pourquoi éprouvons- nous peur, tétanie, angoisse, solitude ? Pourquoi avons-nous l’impression de faire face à quelque chose qui ressemble autant à une jungle inextricable qu’à un grand saut dans le vide ?
Peut être parce que changer de vie, ce n’est pas aussi simple qu’on voudrait le croire.

Changer de vie, c’est aller à contre-courant d’instincts de survie très anciens, inscrits jusqu’au plus profond de notre ADN. Cet instinct qui nous pousse à éviter le danger de l’inconnu, et le risque du rejet. Cet instinct qui nous fait préférer le non-choix ou la fuite vers des solutions de facilité. Cet instinct qui nous fait préférer continuer à faire semblant et à fermer les yeux.

Changer de vie, c’est faire un gros travail de deuil. Le deuil d’un passé dans lequel on s’est investi, le deuil d’un futur qui nous rassurait, le deuil d’illusions que l’on avait.

Changer de vie, c’est remettre complètement en question la notion d’identité. C’est oser ne plus être la personne que l’on connaissait si bien. C’est ne pas savoir qui nous allons devenir. C’est ne pas savoir si nous continuerons à avoir une place au sein de nos pairs.

Enfin, changer de vie, c’est trahir. Trahir la société dans laquelle nous avons toujours vécu, trahir des croyances collectives, trahir ceux qui comptent sur nous pour continuer à être qui l’on est.
Changer de vie, c’est faire face à des peurs archaïques, à des deuils, à une remise en question identitaire profonde, et à la notion de trahison. Tout cela en même temps.
Comment est-ce que cela pourrait être simple ? Comment cela pourrait-il donner lieu à une belle histoire digne des plus beaux films de Noël ? Comment peut-on espérer ne pas souffrir ?

Collectivement, nous avons rendu tabou tout ce qui a trait à la mort, à la souffrance, à l’incertitude. La société fait en sorte de nous épargner un maximum tout contact avec ces concepts là.
Alors comment s’étonner du fait que nous ayons un mal fou à gérer tout cela, lorsque se présente le besoin de changer de vie ?

Comprenons qu’il n’y a rien d’anormal au fait d’en baver.
Il n’y a rien d’anormal au fait d’être désemparé.
Il n’y a rien d’anormal au fait de se sentir démuni.

Comme on dit, “c’est ok” !

La question n’est donc pas de savoir ce que nous devons faire lors de cette période.
La vraie question est de savoir ce que nous voulons en faire.

Quel est le sens et l’utilité de ces périodes de vie un peu merdiques que sont les transitions de vie ?

D’abord, arrêtons-nous sur cette question. Faut-il chercher du sens dans tout ce qu’on vit ? La vie n’est elle pas qu’une succession d’évènements qui n’ont aucun sens, aucun but, mais avec lesquels nous devons simplement composer du mieux qu’on peut ?

Peut être.

Mais chercher à donner du sens est une démarche pro-active. C’est une démarche qui signifie qu’on cherche à tirer partie des événements que nous traversons.

Se demander quel est le sens et l’utilité de nos périodes de transition revient à se demander ce que nous pouvons en tirer de constructif. C’est faire preuve de la volonté de rester maître de sa personne même au cœur de la tempête. C’est le fondement de cette étincelle d’espoir qui nous appelle ailleurs.

Quel ailleurs puis-je me construire sur la base de ce que je traverse aujourd’hui ?

Pour répondre à la question de l’utilité des transitions, il faut déjà répondre à ce doute qui peut germer en nous : est-ce une solution de facilité que nous choisissons pour fuir quelque chose que, si nous étions raisonnable et véritablement adulte, nous regarderions en face ? A mon sens, il est quasiment certain que oui, c’est une fuite. Mais que c’est une saine fuite, saine et intelligente comme peut l’être toute fuite devant quelque chose de nocif.

Si vous aspirez à changer de vie, c’est que quelque chose en vous sait que cette vie-ci n’est pas propice à votre épanouissement. Et que si vous ne vous épanouissez pas, alors vous vous rabougrissez. Et se rabougrir est sûrement le degré le plus mesquin de nocivité.

Alors oui, la transition est une fuite, mais elle n’est certainement pas une facilité, de part la sortie de zone de confort qu’elle engendre.

Une fois que nous avons fait la paix avec cette notion de fuite, qui pour je ne sais quelle raison, a été rendue condamnable par la société, nous pouvons aller chercher le sens et l’utilité de cette traversée du désert qu’est la transition.

Parfois, le mal être est ce qui nous met en mouvement. Parce que nous sommes trop réticent au changement, par instinct de survie, et que l’humain a tendance à n’oser le changement que quand il souffre réellement. Alors la souffrance devient l’épreuve nécessaire pour nous pousser à prendre le risque de changer.

Parfois aussi, le mal-être est ce qui nous met à l’arrêt. C’est le coup de frein à main que votre corps vous impose, pour vous empêcher de vous perdre davantage hors de votre chemin d’épanouissement. Un stop que jusqu’à présent vous n’aviez pas eu la force de poser.

Une transition de vie est une belle invitation à reprendre les rênes de sa vie. Certes nous vivons une sorte de dislocation interne, une remise en question identitaire profonde, mais cela nous ouvre un chemin direct vers notre centre.

Cette dispersion identitaire n’a pas qu’une visée anxiogène. Elle l’est car nous n’avons pas l’habitude de nous considérer comme pluriels. On nous a toujours appris que nous étions « nous », et c’est tout.
Mais ce qu’on a oublié de nous dire, c’est que «nous» recouvre en réalité une multitude de facettes.
Le mal être nous fait découvrir en direct cette vérité : il existe des facettes de moi que je ne soupçonnais même pas, et qui pourtant font aussi partie de qui je suis, ou de qui je peux être. La tristesse, les blessures, des accidents de la vie, l’oppression, tout cela nous fait expérimenter des visages de nous inédits.

Aujourd’hui, je suis persuadée que c’est justement cette diversité de possibilités identitaires qui est le socle d’une bonne estime de soi.
Lorsque je sais que celle que je suis aujourd’hui n’est pas l’intégralité de qui je suis, cela m’aide à être bien plus confiante vis-à-vis de moi-même et de la vie.
Si je suis triste aujourd’hui, si je traverse une période de grand laisser aller, si je suis aigri par des frustrations, si je suis devenue froide pour me protéger de quelque chose… je sais que ce n’est qu’une partie de moi. Que je suis bien plus que ça, et cela me permet de ne pas me juger là-dessus.
Je sais aussi que je peux être toute autre, pleine de ressources, lumineuse, inspirante, bienveillante, drôle, capable d’initiatives brillantes… parce que je l’ai aussi expérimenté et intégré dans ma perception de mon identité. Et à l’inverse, les jours où je suis fatiguée d’être trop conciliante, je sais aussi que je peux tout autant être bien plus intransigeante et ferme, car ça aussi, je l’ai expérimenté dans les jours où j’étais à bout.

Ainsi, la dispersion identitaire n’est pas un fléau, mais bel et bien le début de la construction d’un socle solide de confiance en soi et d’une belle adaptabilité.

Enfin, la transition est aussi, il ne faut pas l’oublier, une étape qui mène vers un futur. Encore inconnu certes, mais un futur tout de même.

Rien n’est voué à stagner, à rester imlobile. Nous l’avons vu, le principe même du vivant est de ne jamais rester le même. S’il y a bien une chose dont on peut être sûr, c’est qu’il est très peu probable que vous soyez encore au même point dans 6 mois, dans 1 an, dans 2 ans…

Partant du principe que la transition est un passage vers un autre futur, à quoi cela sert-il que cela soit ressenti comme un passage à vide ?
Parce qu’aucun verre plein ne peut être rempli davantage, et encore moins d’un nouveau contenu.

Vous avez sûrement déjà entendu ou lu la phrase qui dit grosso modo : «Pour obtenir un résultat différent, il faut faire quelque chose de différent».
Encore une phrase mainstream de développement personnel, mais qui a elle aussi un message qu’il serait dommage de louper.
Pour se construire une vie différente, il faut apprendre à porter un regard différent sur les choses. Et c’est en cela que perdre tout le sens de sa vie actuelle est une bénédiction.
Le fait que les choses que nous pensions connaître nous paraissent aujourd’hui mystérieuses ou dénuées de sens nous pousse à redéfinir ce qui a du sens pour nous.

Cette phase de transition est donc une période clef de réappropriation. Réappropriation de notre identité, de nos besoins fondamentaux, de nos définitions, de notre temps et de notre espace personnel, de notre confiance en soi et de notre libre arbitre.

Si la transition n’est définitivement pas une solution de facilité, elle est un véritable tremplin vers une véritable liberté individuelle.

Mais avant de penser à l’avenir, il est nécessaire de ré-ancrer ses racines dans un sol stable. Rebâtir un présent sécurisé avant de construire un lendemain nouveau.

Prendre conscience que l’on est mal dans sa vie est un premier pas. Comprendre la complexité de cette rupture qui s’est produite en nous en est un deuxième. Suivre le flow de ses sensations et de ses questionnements sans rien précipiter en est un troisième. Et c’est en accueillant avec beaucoup de patience et d’espoir cette période de transition que tous ces petits pas nous mèneront à la réponse la plus adaptée pour nous. Pour doucement, aller vers une vie plus authentique.

Il est donc important de sortir du récit enfermant dans lequel nous nous sommes fait prendre. Un récit que l’on se raconte depuis des années, et alimenté par notre entourage. Ramener de la vie en soi, retrouver une graine de créativité, entretenir la notion d’espoir et nourrir la notion d’ailleurs. S’apprivoiser, se reconnecter à l’essentiel, et retrouver une position de sujet ayant compris l’importance du libre arbitre.

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Ça m’est arrivé 4 fois, et ça m’arrivera sûrement encore.
Parce que la vie est ainsi faite. Faite de ruptures de soi, de changements et de deuils de certitudes.
On aimerait pouvoir faire un brouillon avant de vivre sa vie pour de vrai. Effacer nos ratures, nos sorties de circuit, nos périodes d’égarement.
Mais finalement, le brouillon, c’est justement ça la vie.