Le pilote d’hélico

Ressentant soudain le besoin de s’étirer, il leva les yeux de son téléphone et bâilla bruyamment.

Que le temps semblait long…
Les journées qu’il passait ici, avachi sur le marchepied de son hélico, se suivaient et se ressemblaient tristement.

Son boulot était de se tenir prêt. Prêt à partir en mission, prêt à décoller. Mais cela faisait plusieurs semaines, si ce n’est plusieurs mois, qu’aucun ordre n’était arrivé. Rien. Sans qu’il sache pourquoi.
Alors, il continuait d’attendre, porté par l’idée que l’adrénaline pourrait revenir à tout moment.

Il se passa la main dans la nuque pour tenter d’en soulager les tensions. Son dos lui faisait mal, et ses jambes semblaient de plus en plus lourdes chaque jour.
Lui qui était de nature souple et puissante, à force d’inactivité, il s’affaiblissait. Du corps, mais aussi – lui semblait-il – de l’esprit. Scroller pendant des heures sur son téléphone et grignoter de manière irrégulière n’était pas la meilleure façon de garder un homme en bonne forme.
Mais que faire d’autre, si ce n’est attendre que le monde daigne avoir besoin de lui ?

Rangeant son téléphone, il se leva et fit mollement le tour de son hélico. Lui aussi commençait à présenter des signes de décrépitude : la poussière s’accumulait et certaines pièces commençaient à grincer.

La pensée que son hélico pourrait bientôt ne plus être apte à partir en mission, s’il le laissait autant sans soin, lui traversa subitement l’esprit et éveilla une peur à laquelle il n’avait jamais pensé.
Attrapant un morceau de chiffon qui pendait de sa poche arrière, il commença à dépoussiérer ce qui était à portée de bras. Son épaule le fit grogner, avant de se dérouiller petit à petit dans une sensation douce-amère. Demain, il faudrait qu’il emmène de quoi monter s’occuper des pales pour les empêcher de s’oxyder. Où avait-il rangé sa boîte à outils ? Peut-être dans l’entrepôt avec le reste du matériel ?

Son esprit commençait à se réveiller de sa léthargie.

Quitte à attendre, pourquoi ne pas mettre à profit ce temps pour remettre à neuf son hélico et faire l’entretien de son propre corps ? Deux choses auxquelles il avait rarement l’occasion de penser lorsqu’il était sollicité pour des missions à l’extérieur.

S’immobilisant, le chiffon en l’air et les yeux dans le vague, il se sentit bête d’avoir perdu tout ce temps à attendre, sans rien faire.
Il ne savait pas combien de temps cette attente allait encore durer, mais il était las de sentir ce temps s’écouler, drainant en même temps sa propre vitalité.

Les choses allaient changer.

Texte par : Emmanuelle Vernay