Accroupie à côté de la table d’une jeune fille, je l’écoutais m’expliquer à quel embranchement de rue se trouvait le magasin dont elle me parlait. La nuit était encore tiède pour ce début d’automne, et le ciel était immense et dégagé.
Il s’approcha pour me demander si je voulais reprendre quelque chose à boire. Ce qui, depuis ma position basse, me fit lever la tête, les yeux pensifs vers les étoiles. Et c’est comme ça que je la vis. Le contraste de couleur était faible, ce qui faisait qu’on la distinguait à peine dans le bleu foncé du ciel. Mais j’étais sûre de ce que je voyais.
« Vous avez vu !? La montgolfière là ! Il y a une maison perchée dessus !! », m’exclamais-je d’une voix aiguë d’émerveillement.
– De quoi tu parles ?
Personne ne semblait la voir. Je me levais brusquement, hypnotisée par cette montgolfière gigantesque, construite non pas d’une toile de tissu mais de bric et de broc, en bois et en métal, sans quitter des yeux cette maison biscornue posée à son sommet.
– Emmanuelle ! Ça va !? De quoi tu parles enfin ?!
Il s’approcha doucement par derrière, et je le forçais à regarder :
– Tu vois la fenêtre lumineuse là ? Oui ? Bon, monte encore. Il y a une grosse horloge accrochée au-dessus. Tu vois toujours ? Encore au-dessus, tu arrives à un auvent en métal, comme un toit de manège… oui oui, tout ça ce sont des pièces assemblées de la montgolfière ! Continue de monter… attends… quoi ??
Toutes les pièces se mirent brusquement mais souplement, sans un grincement, en mouvement. Tout se mit à pivoter, à tourner, et la montgolfière se mit à se déplacer. Elle s’en allait, à une vitesse anormale pour sa taille. La maison sur le toit n’était déjà plus visible, et l’immense structure nous passa au-dessus de la tête, sans que personne d’autre que moi ne s’en aperçoive.
– Non ! Non ! Noooon ! , hurlais-je en courant pour tenter de la suivre.
La rambarde qui donnait sur le vide et depuis laquelle nous avions vue sur toute la ville illuminée arrêta ma course. Je m’effondrais au sol, dépitée. Elle avait disparu comme disparaissent les OVNI lorsqu’ils sont remarqués par les humains.
Je levais les yeux vers lui et murmurais, les yeux mouillés de larmes d’émerveillement :
– J’ai vu quelque chose d’incroyable et de magique ce soir.
Le regard perplexe des gens présents sur le belvédère confirmait le fait que j’avais été la seule à le voir.
Texte par : Emmanuelle Vernay